(Extraits)
On ne grandit que par l’action, jamais par son œuvre. C’est ainsi. Voilà pourquoi les artistes tiennent autant à leur condition et même à leurs conditions matérielles. Comme le soldat tient à sa solde. Comme tout un chacun. Comme le miséreux tient à son existence misérable. Nous n’entrons dans l’action que par accident.
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L’ouvrier n’avait pourtant jamais cessé de grandir par sa condition. Et puis, il a gagné en personnalité. Dans son œuvre mais aussi par désœuvrement.
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Nul ne peut renoncer, je crois, à son propre récit, à son propre ouvrage. Disons que nous avons survécu à la chute de l’Empire romain et que nous perdurons çà et là, dans ce qu’il nous reste de culture. Je perdure, je persiste. Je perdure dans le nombre, dans toute cette armada. Je suis un ouvrier modèle. Pas d'exemple. Nul ne devrait renoncer à l'action.
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Seul celui qui agit se tient au chevet de l’humanité. L’œuvre d’art, qui est toujours l’œuvre d’un autre que soi, n’est là que pour témoigner. Et lorsqu’au sortir de l’action, lorsque dans son action, l’on a échoué à force de volonté (on se sent alors seul et désœuvré, seul, dans la durée) il arrive que l'on en revienne à la seule question qui mérite d’être posée : la question des origines. La question des origines n’est pas la question de l’éternité. Elle est la question de la postérité de la condition ouvrière. Il arrive finalement qu’on en revienne à se poser cette question-là.
Bruno BISARO
Saint-Maur, mai 2020Club MEDIAPART