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L'intrépide Bruno Bisaro - Page 5

  • Voici donc le ciel peuplé

    J’avais pu voir moi-aussi les éclairs dans la nuit. Les éclairs, puis les flammes. Le bruit des hommes rassemblés autour d’un bûcher. On se perd facilement dans la nuit. Ou plutôt dans une sorte de contingence nocturne. Mais c'est toujours ça, la nuit. Nuit envoûtante, nuit secrète et sereine… Même la nuit la plus noire brûle d'un feu qui peut être une étoile, alors quand une étoile prend ses airs… cet air de sacre, comme un air entendu, que nous dit-il au juste?

     

    La voûte du ciel n’est plus ce soir qu’un ciel voûté et qui s’affaisse… Mais tout seul, on peut bien croire qu'il est possible d'arrêter sa chute irrésistible, quand cette folie devient assez parlante, quand, à l'évidence, elle s'expatrie… Alors, pour peu que l'on ne soit pas complètement isolé, nos efforts vains, de toute leur vanité, deviennent parlants, et d'autres êtres à leur tour s'ébruitent, s'évertuent. Dans toute l’immensité, ce sont les mots des autres aux premières lueurs. Ils brûlent en moi comme un feu sacré. Les mots des autres. Leurs pâles reflets, leurs réflexions… dans les méandres de la pensée, dans l’immensité de la pensée déclinante, dans l’immensité du ciel qui se casse la gueule.

     

    Ô pensée. Il faudrait pouvoir s’extraire du poème. Comme l’on s’extrait d’un récit. Comme l’on s’extrait soi-même d’un crépuscule ou d’un soir de fortune. Voici donc de nouveau le ciel peuplé. Je m’élève. Je me redresse un peu.

     

    Le bruit m’agace. Le bruit de ces bêtes traquées. Ces bêtes à visage. Et cette façon subalterne de dire les mots. Frapper les mots ou frapper les morts. Machinalement. D’un geste machinal. La nuque traumatisée. Dans le scintillement d’une marche macabre, ces mots vous foulent aux pieds… Mon amour, feu à qui je donne le nom d’étoile, je ne peux pas croire que tu sois dans ce feu.

     

    Alors, se mettre à courir. Je cours. Comme court un ruisseau. Comme court un murmure. Je cours derrière moi-même. Regardez-moi courir. Derrière cet autre. Regardez-moi, regardez-le prendre ses jambes à son cou.

     

    Dans mon théâtre décapoté, je perds l’équilibre. Et même je trébuche. Vieux dactylographe. Je trébuche sur des mots ou sur des onomatopées. Peuh.

     

    Avant que tout ne s’écroule, ennemi, réponds-moi. Ennemi, mon ennemi. Ennemi, mon ami. Toi qui ne cours pas, toi qui restes droit dans tes bottes, toi dont les pieds resplendissent dans tes bottes vernies, réponds-moi :

     

    Étaient-ce les cendres de mon bien-aimé que j’ai vu voler ce soir au-dessus de ma tête ou bien était-ce seulement la poussière de tes bottes?

     

     

    Autoportraits en auteur dramatique

    Ouvrage à paraître en 2024

     

    Catégorie : En auteur dramatique