(À Marina Tsvetaïeva)
Dans le jardin de la Démence
Dans ce jardin embusqué
Ô Funestes jardiniers
Se tient un vieil érable solitaire et robuste
Droit comme un i centenaire
En théorie
En blessures isolées
Et tout son pied prend racine
Et tout son poids le fait plier
Et le poids des années
Et le poids des blessures
Dans son antre
Comme un lion
Si l’on pouvait le voir rugir
Quand cet autre apparaît
Innombrable et soudain
À tâtons
À pas légers
C’est au miracle qu’on crie bien haut
Et au désordre des forêts
Rugit alors dans un tourment
Notre arbre robuste et solitaire
Rugit bien fort
Tient comme il peut
Et craque sous les feuilles…
Rugit ou grince
Comme une armoire
Comme un cercueil à ciel ouvert
Comme vous l’entendez
En faux platane
Tremble sous l’écorce
Mais il rougit
Malgré son âge
Malgré le siècle et les années
Malgré l’été
Rougit et meurt de ses blessures
Rougit et meurt de ses rougeurs
Et du chagrin de son soigneur
Un forestier, un jardinier
Un charpentier
Rougit et meurt
Et de son poids
Et de son âge
Et de son fruit
D’être tombé
D'avoir aimé
Rougit et meurt
D’avoir aimé
En plein été
Un jardinier
Le sycomore
Bruno Bisaro
Padova, Italie, Été 2019
L'intrépide Bruno Bisaro
Ouvrage à paraître en 2024